Kabbalah L'immortelle

Mouillée. Gelée. Mère nature semble contre moi depuis que j’ai entrepris cette aventure inconsidérée. Ou bien serait ce la mort elle-même qui m’attire vers elle ? Plus d’importance. Bien trop longtemps que je suis à la recherche de la vérité. Cela va faire combien de temps maintenant ? un an, deux ans, trois ans ? C’est la quête de toute ma vie, mais de bien plus que cela. De toute ma descendance en fait et de toute ma lignée finalement. Moi la jeune femme, aussi innocente qu’insouciante, je me retrouve avec le destin d’une si grande famille, ainsi que de toutes les responsabilités que cela importent. Mais c’est un fardeau bien trop lourd à porter pour de si frêles épaules. Car aujourd’hui, elle n’a de grands et lourds que ses secrets. Mais je suis seule depuis trop longtemps, et il existe quelque part sur cette terre à feu et à sang, mes frères et mes sœurs perdus. Bien que le temps soit de notre coté, serais je capable de les retrouver ?

Du blanc. Du blanc a perte de vue et en quantité infinie. Dans lequel je m’enfonce toujours un peu plus à chaque pas que je fais. Voila maintenant deux mois que j’avance péniblement, ou bien peut être trois. En fait je ne sais plus. Penser, réfléchir, tout cela m’est terriblement difficile. Il ne me reste qu’une once de feu intérieur qui brûle. Et bien qu’au fin fond de mon âme, elle semble avoir le contrôle de mon corps. Mes mouvements lui sont esclaves et j’avance inexorablement. Je n’aurais jamais imaginé posséder autant de force spirituelle. Le maître avait donc raison. Le maître a toujours raison. Qu’importe, je vais mourir. Le froid glacé de cette terre d’hiver a commencé à m’engourdir les doigts et les pieds le mois dernier quand mon énergie spirituelle s’est amenuisée. A cela s’est ajoutée l’eau des pluies torrentielles qui ont percé mes vêtements la semaine passée. Je la sens couler le long de ma colonne vertébrale, me convulsant à chaque avancée qu’elle fait sur moi. Plus la force de résister. Je tremble, bientôt je mourrais. O rage, O désespoir ! Moi kabbalah grande magistère de la flamme, je disparaîtrais bientôt dans l’immensité des terres de Northrend. Quelle mort grotesque et stupide ! Mais pas question de m’y apitoyer. Pas question d’arrêter, non plus. Je me battrais.

Je sais qu’il est là, quelque part. Il m’observe depuis un moment déjà, je le sens ici et là, derrière et tout autour. Il doit bien rire de mon triste sort. S’il avait pitié de moi, il serait venu me chercher depuis le temps, mais non. Il n’en a pas décidé ainsi. J’ai trahi son vœu d’exil en m’aventurant ici, et il compte me le faire payer. Je suis au courant de son secret, le maître m’a raconté. Enfin… à mon niveau. Je sais qu’il détient les réponses que je suis venue lui quémander.

Soudain, du sol émane un bruit sourd sous la neige. J’ai fais un pas de trop, le dernier. Il n’en faut pas plus pour que mes jambes m’abandonnent et je m’écroule dans la neige. Emportée par celle-ci, je glisse encore et encore. De plus en plus vite. Si j'avais accordée un tant soit peu d'estime a la chute lente que le maître voulait m'enseigner ! Quelle piêtre écolière je fus ! Où est l’horizon ? Je ne le vois plus, je viens de perdre mes derniers repères et je me laisse emporter. Advienne que pourra. La terre semble s’arrêter à quelques mètres, puis… le vide. Je tombe maintenant. Je suis à bout de forces. Plus longue est la chute, plus fort sera l’impact. Adieu.

Bonjour Mort. Tu es chaude. Tu sembles chaleureuse. Mais je t’en veux de m’avoir fait souffrir ainsi, ne pouvais tu pas me prendre plus tôt ? Enfin, maintenant je n’ai plus mal nul part, pas même à mon entorse à la cheville. Je me sens bien. Mort, tu m’accueilles si bien, quel monde as-tu à m’offrir maintenant ? Si j’ouvre les yeux, que vais-je découvrir ?

La chaleur vient du feu qui danse et crépite à côté de moi. Il regenère mes forces comme si on ne faisait qu'un lui et moi. Je trouve enfin le courage d’ouvrir les yeux, prête à affronter l’enfer. Mais à ma plus grande surprise, il n’en est rien. Je suis allongée dans une grande pièce dans laquelle règne en seigneur un feu de cheminée. Je suis sous le choc. Sur les murs de chêne sont accrochées bon nombre de tapisseries. Je reconnais l’une d’elle, je la reconnaîtrais entre mille. L’étendard de Stormwind ! Elle est accrochée à l’académie des mages.

Avant que je n’aie le temps de me redresser, la porte s’ouvre dans un grincement frissonnant. Je vais enfin voir le visage de mon hôte.

L’homme est livide mais ne semble pas malade. Il se trouve courbé mais ne parait pas mal en point pour autant. On dirait que sa peau cramée par endroits se détache d’elle-même, comme si elle voulait quitter son corps. Quel vison écoeurante. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi vieux. Mais je n’ai pas peur, car cet homme a quelque chose de particulier. Ses yeux. Ils ont quelque chose. Comme les miens. Cette flamme à l’intérieur. Comment est ce possible ? Je suis liée à ce vieillard. Nos yeux parlent d’eux mêmes suffisamment pour le deviner.

« Magistère Kabbalah, l’heure est venue pour vous, d’avoir réponses à vos questions. »

Le silence est d’or quand un grand maître vous annonce ce genre de choses. Il se trouve parfois que vous regrettez vos questions par la suite. Mais je ferais face, je n’ai pas le choix.

« Pour comprendre les mystères qui reposent sur votre famille, il faut remonter quatre années en arrière. »

La dernière guerre ? Où veut il en venir ? Mes souvenirs sont vagues, je devais aller sur mes dix huit ans lorsque seule, depuis ma plus tendre enfance, je fuyais pour échapper à la légion ardente. L’alliance et la horde avaient signé un pacte pour sauver Azéroth. A l’époque, je ne savais guère me battre, et c’est cloîtrée dans la cour du château de Stormwind, qu’un homme s’était avancé vers moi. Il m’avait dit que j’étais prédisposée à donner un sens à ma vie. Mais je savais qu’il était intrigué par mon regard ardent. Néanmoins je l’ai suivi, j’ai suivi cet homme qui allait devenir un jour mon maître. Dans le but de parfaire mes connaissances en magie élémentaire car je rêvais moi aussi de sauver Azéroth du fléau qui la consumait.

« Après la victoire sur la légion ardente, le fragile pacte qui unissait l’alliance à la horde fut rompu. Celle dernière nous trahie par surprise, pillant et incendiant tous les territoires qu’elle occupait ne laissant aucune chance aux pauvres gens de notre race, la plupart de simples villageois sans défenses. Avide de conquête, la horde avait clairement décidé de redéfinir les frontières après le passage de la légion ardente. C’était un plan mûrement réfléchi et travaillé longtemps à l’avance. Nous fûmes pris au dépourvu, incapable de répliquer à cause de notre affaiblissement dû à la légion. Nous dûmes nous résigner. »

Le vieillard baissa les yeux en même temps que les flammes de ceux-ci s’éteignirent. Il allait m’annoncer une chose terrible, et en frémissait d’avance, lui un grand maître. De quoi pouvait il encore avoir peur quatre ans après ?

« Un jour, un homme venu de nulle part, s’annonça au château, sommant une entrevue avec le roi. Il disait avoir la solution à tous nos problèmes. J’étais présent ce jour là. Et je vous avoue que ce que j’ai ressenti en sa présence est indescriptible, une puissance spirituelle inouïe et sans limite. Mais cet homme ne faisait aucunement peur. Au contraire, l’aura blanche autour de son corps charnel prédisposait à l’amour et à la paix. Ainsi les plus grands conseillés et mages du royaume dont moi-même, permîmes à l’inconnu une audience avec le roi. Ce jour là, ce fut le tournant de toute ma vie et de celui de beaucoup plus de gens encore. L’homme disait avoir le pouvoir d’exterminer toute menace sur le royaume. Pour cela il proposait de créer une armée particulière qui aurait pour unique but de combattre la horde sans relâche. Les phrases de l’inconnu se firent de plus en plus sèches, les mots de plus en plus précis. Et nous fûmes de plus en plus apeurés »

Le vieillard était maintenant de dos devant une fenêtre. Il cachait sans aucun doute des larmes. Le suspense haletant eu raison de moi et au moment ou j’ouvris la bouche pour intervenir, il me coupa :

« Une famille de combattants serait sacrifiée. Un rituel rassemblant tous les magiciens et sorciers de l’alliance sous l’égide de l’inconnu aurait pour finalité de rendre immortel les élus. Ainsi, entre la vie et la mort pour l’éternité, ils n’auraient d’autres buts que de pourchasser l’ennemi et rétablir la paix dans nos contrées. Une fois tombés au combat, ils auraient le pouvoir de se relever et de continuer le combat sans cesse, sans repos. »

Les yeux du vieil homme s’étaient rallumés plus intensément encore qu’avant, et traduisait une haine évidente. Mais après qui en avait il, la horde ou bien l’inconnu ?
Je profitais de son temps de pause, pour lui poser une question qui me brûlait les lèvres. La question.

« Maître, ai je un rapport avec tout cela, pour que vous me racontiez tant de secrets ? »

« Kabbalah, je suis la cause à vos cauchemars. La cause à votre solitude. Je me suis proposé volontaire à ce rituel. J’ai apporté notre famille sur l’autel du sacrifice. Et j’ai offert ma descendance à une vie éternelle de meurtres et tourments. Je suis un maudit, et j’ai maudit tout ceux qui m’aimaient. Je pensais bien faire, pour la paix, la vie et le bonheur des autres. Mais j’ai apporté la douleur et le sang au sein de ma propre lignée. Comment protéger le monde si je suis incapable de protéger ma famille ? Maudit, je suis maudit et je vous ai tous maudit mes enfants ! Pardonnez moi… »

Bouleversée. Je suis bouleversée et je ne crois pas un mot de ce vieux fou. Qui ressemble plus à un mort-vivant qu’a un homme finalement. Je bondis du lit, et d’un claquement de doigt, ma main s'embrase d'un feu ardent dont les etincelles vont s'écraser sur le sol. Je suis sur la défensive, prête à bondir. Pourquoi mon maître m’a fait chercher cet homme qui me tient tant de propos incohérents.

« Kabbalah… ma fille… n’ayez pas peur de moi, je vous ai déjà fait tant de mal, comprenez moi je suis une âme en peine… pour le reste de l’éternité… »

L’homme a tellement de choses à me dévoiler. Il ne sait guère par où commencer et suffoque.

« Ce n’est pas tout. J’ai honte de ce qui suis. Bien que j’étais le magicien le plus puissant à la cour du roi, j’avais fait vœu de chasteté et n’avait donc aucune descendance. En guise de famille, nous amenâmes à l’autel, tous les orphelins du royaume. Vous faisiez parti du groupe d’enfants Kabbalah… Je suis désolé»

Je ne pu me retenir d’avantage, il me fallait des réponses et tout de suite ! Les flammes naissantes dans le creu de ma main étaient toujours en train d'embraser les tapisseries autour de nous. Malgré cela l'homme restait relativement calme devant ce spectacle.

« Vieil homme ! J’ai senti la mort m’effleurer lorsque je suis venu ici, et tu oses insinuer que je suis immortelle ? Et toi aussi ? Nous allons voir ça tout de suite si tu peux résister au feu de ma colère ! »

« Kabbalah… Voyez dans quel état je suis. Voyez toutes les souffrances sur mon corps que je me suis infligé dans le but de mettre un terme à ma vie, de pouvoir enfin taire cette conscience qui me torture sans repos jour et nuit, et ce, jusqu'à la fin des temps… J’ai honte de moi si vous saviez… Vous êtes la première que je vois, c’est tellement dur pour moi… si vous saviez comme c’est dur pour un père… »

« Que sont devenus les autres ? Qu’avez-vous fait de mes frères et sœurs ?»

« Après le rituel, nous les avons dispersé partout dans Azeroth, dans les académies de magies et les garnisons de l’armée. Pour en faire des magiciens et des guerriers et qu’ainsi, ils accomplissent leur destinée. Les enfants, amnésiques après le rituel dû leur innocence et leur fragilité d’esprit, furent plus malléables que nous pouvions le croire. Et au fil des mois, des années, durant leur apprentissage, leurs maîtres et professeurs se prirent de sentiments de compassions et d’amour, tout comme moi, pour ces jeunes enfants manipulés sans leur consentement. D’un commun accord, nous jugeâmes bon de les libérer de la malédiction. Mais l’inconnu avait disparu bien avant. Nous tentâmes en vain de reproduire le rituel dans l’espoir d’inverser la malédiction. Puis, devant un tel échec, nous décidâmes de sceller la vérité en secret, que personne ne sache jamais les sacrifices immoraux que nous infligeâmes à des âmes pures dans un but de guerre et de sang. »

« Maître, vous voulez me dire, qu’il y à plusieurs êtres perdus en ce monde, qui sont immortels, et qui ne le savent pas ? Il faut que je les retrouve, au moins pour leur dire la vérité ! »

« Ma chère enfant, je compatis à votre tristesse, il ne sera pas facile de tous les retrouver. Et pour la plupart, ils devront se rendre compte de tout ceci par eux-mêmes. Si vous décidez de partir à leur recherche, je vous en serais infiniment reconnaissant, j’aimerais tant vous voir tous et vous dire à quel point je suis haïssable. Je ne puis vous demander quelque chose au point où j’en suis Kabbalah, mais alors, faites le pour eux, faites le pour vos frères et sœurs. J’aimerais tant regagner le peu d’honneur que je n’ai jamais eu de mon vivant et que je n’aurais jamais dans la mort. »

« Maître, si j’ai bien suivi votre récit. Il nous est impossible de mourir ? Ni même impossible de briser la malédiction ? »

« … Non ma fille, impossible est un mot que j’ai longtemps médité en quatre années de chagrins… nous avons tout essayé… en vain… La mort elle-même protège cette malédiction »

« Pourtant on m’a toujours dit que les morts ne tolèrent pas que les vivants vivent »

« Kabbalah, je suis mort bon nombre de fois et je peux vous dire que je n’ai plus peur de la mort, au contraire je l’attend. Pour vous il en sera de même… »

« Maître ne m’avez-vous pas dit que le but d’une telle armée constituée d’immortels étaient de mettre fin à la menace horde ? »

« Oui. Où voulez vous en venir ? »

« Si je retrouve mes frères et sœurs d’armes, et que nous accomplissons la prophétie, c'est-à-dire l’extermination de tous les hordeux sur nos terres, se pourrait-il que nous soyons libéré… ? »

« Mon enfant vous vous lancer dans une épopée sanglante et sans fin… »

« … sans fin ? »

La bâtisse en bois du grand maître, enflammée de toutes parts, émis un grondement terrible et dans un fracas épouvantable, s’écroula sur nous.

HRP

Joli texte !
Y a une suite ?

Edit: HRP

Très beau texte